Moufouli Bello est une artiste plasticienne et multimédia originaire du Bénin, qui vit et travaille à Cotonou. Son intérêt pour les questions d’ordre social la pousse à se diriger vers des études de droit. Diplômée de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) de Cotonou, Moufouli réalise que son épanouissement personnel passe par la peinture, et décide de se consacrer pleinement à cette pratique. Depuis, l’artiste utilise ce médium pour traiter les questions de droits et d’inégalités sociales qui l’animent, et a étendu sa pratique à d'autres médiums comme les installations, la photographie et l’art numérique, selon le questionnement qu'elle souhaite soulever. Elle nous explique cependant sa difficulté à trouver le support technique au Bénin pour créer tous les projets qu’elle a en tête. En 2017, Moufouli expose aux côtés de l’artiste contemporain camerounais Barthélémy Toguo à l’occasion de l’exposition Afrique : Le grand Festin, à Vienne, en Autriche.

Moufouli dans son atelier, première étape de la réalisation de son tableau Monboladji

En peinture, l’artiste développe un travail de réflexion sur la représentation de la femme noire et questionne la société genrée. En prenant pour modèles les femmes de son entourage, elle commence par réfléchir aux expressions faciales et aux micro expression et agrandi progressivement ses toiles jusqu’à peindre des femmes de plein pied. Les sujets représentés par Moufouli adoptent des positions de pouvoir, voire de domination : 
« Dans les représentations qui sont faites sur les femmes africaines, elles sont souvent représentées avec des enfants sur le dos ou des charges sur la tête, elles sont celles qui portent des poids. A contrario, il est très rare de voir des hommes porter des charges qui relèvent de la famille, comme le ménage, la tenue du foyer... Même pour l'éducation des enfants, beaucoup se désistent. Ce qui est intéressant c’est que ces représentations sont aussi une réflexion de la société, c’est ce qu'il se passe ici au Bénin; les femmes sont toujours celles qui portent la famille à bout de bras. J’ai décidé que j’avais envie de voir autre chose, je sais que nous sommes beaucoup plus que ça et je veux peindre ce que je veux voir. J’ai parfois l’impression que certaines femmes que je rencontre ne sont pas conscientes de leur propre existence, qu’elles sont passives devant ce qu’elles sont. Il faut que nous commencions à nous voir autrement en tant que femmes et que nous prenions conscience de notre existence. »
ADJOKE DON'T CARE , Série APO ABO, 2018
ADJOKE DON'T CARE , Série APO ABO, 2018
IKUOKOMI , Série APO ABO, 2018
IKUOKOMI , Série APO ABO, 2018
RACHIDA N'DAGBA, Série APO ABO, 2018
RACHIDA N'DAGBA, Série APO ABO, 2018
Moufouli a choisi d’aborder ce thème car il est intimement lié à ses expériences personnelles. Pour Moufouli, la scène artistique de Cotonou présentait de nombreux challenges, qu'elle est parvenue a franchir avec la force de son travail. Au fil des résidences et expositions au Centre et à l'Institut français, Moufouli a su démontrer sa légitimité dans un milieu majoritairement masculin. 

Nous avons vu en Moufouli un exemple pour toutes les jeunes filles et femmes à qui la route semble barrée au Bénin, et ses œuvres, futuristes, mettent en avant des femmes conscientes et maîtresses de leur destin. Les toiles de Moufouli projettent les sujets dans une réalité qu'ils n'imaginaient même pas, et leur donne à voir un nouveau champ de réalités possibles. ​​​​​​​

Moufouli à propos des réactions des sujets face à son travail

Pour Moufouli, l’art est aussi une « bulle de liberté totale », qui lui permet d’exprimer un propos sans qu’il ne soit vu comme personnel et lié à son identité propre. C’est un moyen de créer des discussions et d’impacter la réalité pour apporter un changement de comportement de la part des spectateurs.
Ses œuvres 
Détails de Confusion
Détails de Confusion
Confusion, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2016.
Confusion, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2016.
Détails de Confusion
Détails de Confusion
Confusion fait partie de la série Papyrus, produite en 2016. 
Un regard profond, qui nous transperce. Une esquisse de sourire, qui transmet la confiance. La posture droite, d'une femme consciente. On en oublierait presque ces cicatrices, qui affirment qu'elle est à sa place, au milieu des fresques et motifs. Ces cicatrices ne sont plus qu'un rappel de sa société, mais désormais une preuve de son identité et de sa singularité. Le motif du mur nous rappelle les symboles de royauté et suprématie, et s'effacent devant la prise de pouvoir du sujet. 
Ces modifications corporelles, qui disparaissent avec la culture liée à cette pratique au Bénin, prennent ici tout leur sens. Moufouli donne à voir une pratique sacrificatoire qui relie la femme à sa culture, à sa communauté traditionnelle et la propulse en tant qu'actrice de celle-ci. 
Détails de Aya Òba
Détails de Aya Òba
Aya Òba, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2018
Aya Òba, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2018
Détails de Aya Òba
Détails de Aya Òba
Aya Òba fait partie de la série Apo Abo, produite en 2018.
Les expressions de visage sont ici d'une précision surprenante. Nous sommes fascinés devant la complexité des émotions dégagées, qui sont pourtant peintes avec un réalisme troublant. On croirait se trouver devant la femme peinte. La pose, quelque peu inconfortable, est choisie dans un mouvement pour renforcer la proximité du sujet avec son public. En plus de se rapprocher de nous, elle surplombe un paysage riche et coloré, une façon de rendre compte de l'importance de premier plan des faits et gestes les plus banals de cette femme. Ou comment sublimer la banalité des gestes, et de rendre compte de l'humanité du sujet, avant son genre. 
détails de Feeder
détails de Feeder
Feeder, Acrylique sur toile, 135 x 113 cm, 2018
Feeder, Acrylique sur toile, 135 x 113 cm, 2018
détails de Feeder
détails de Feeder
Feeder est une toile de la série Aya Òba, produite en 2018. 
Quelle puissance et profondeur du regard, presque inquisiteur. Moufouli orne son sujet d'une couronne, faite de matière végétale et fragile. Comme s'il n'y avait pas de couronnes pour les reines dans ce monde, la volonté du sujet et son implacable assurance en ont décidé autrement. Son regard nous ferait presque oublier que sa stature est éphémère, et que sa couronne sera amenée à se dégrader. 
Feeder, telle une femme qui nourrit sa propre volonté, donne à voir une femme qui a pris le contrôle de sa vie. Une femme immaculée qui laisse les signes distinctifs de sa culture sur le mur derrière elle. Les fruits de sa couronne lui donnent ce statut de feeder auprès de son peuple, comme si son pouvoir assurait l'abondance de vivres. Ces fruits symbolisent toute la confiance que le peuple peut avoir en cette reine, capable de les nourrir.
We should disobey, bande sonore, 2017
We should disobey, bande sonore, 2017
 Installation Deux Mirroirs, fusain sur mur (photo Sophie Négrier)
Installation Deux Mirroirs, fusain sur mur (photo Sophie Négrier)
photo Sophie Négrier
photo Sophie Négrier
En 2017, Le Centre organisait l’exposition Amazone articulée autour des questions de pouvoir et de féminité, dans laquelle Moufouli était invitée: « J’avais réalisé une œuvre immersive pour répondre à ce sujet. Dans une salle blanche, j’avais disposé deux miroirs l’un en face de l’autre et j’avais écrit sur les murs des phrases comme « une fille ça sourie », « tu ne devrais pas prendre ce travail c’est trop compliqué tu es une fille » ou « quand je rentre je veux que le repas soit prêt » …. Des phrases que les filles et femmes entendent régulièrement dans leurs vies de tous les jours. Cette exposition a donné lieu à une certaine prise de conscience de la part des visiteurs et les a peut-être amenés à revoir la manière dont ils appréhendent les femmes ».  
Dans l'installation We Should Disobey de Moufouli Bello, le spectateur est pris entre quatre murs, les seuls espaces de profondeurs se trouvent dans les miroirs, qui répètent ce confinement et ne donnent aucune échappatoire, aucune excuse pour se défiler. Il est ici question de faire face à ces propos sexistes et arriérés, jusqu'à ce que leur caractère intolérable ne fasse surface. La scénographie de l'installation joue ici un rôle clé pour enfermer le spectateur dans cette cacophonie bien présente de ce monde, et s'efforce d'initier une confrontation avec un contenu trop souvent ignoré. ​​​​​​​
SES TOILES: de missebo à l'atelier
Nous avons suivi Moufouli dans la conception d'une de ses toiles. Nous avons pu découvrir une toute autre réalité concernant les peintures d'un artiste béninois. En effet, L'élaboration de la toile commence avec sa création et l'achat de tissus en coton au marché de Missebo, à Cotonou.  

Moufouli au marché de Missebo à la recherche d'une toile. 

Galerie
Kilèro, Acrylique sur toile, 140 x 110 cm, 2018
Kilèro, Acrylique sur toile, 140 x 110 cm, 2018
Adjokè worries, Acrylique sur toile, 140 x 110 cm, 2018
Adjokè worries, Acrylique sur toile, 140 x 110 cm, 2018
Ijo Òbo, Acrylique sur toile, 140 x 110 cm, 2018
Ijo Òbo, Acrylique sur toile, 140 x 110 cm, 2018
Monboladji, Acrylic sur toile, 140 x110, 2019
Monboladji, Acrylic sur toile, 140 x110, 2019
Madonna Negra, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2018
Madonna Negra, Acrylique sur toile, 100 x 81 cm, 2018
Monjisola, 140 x110 cm, 2018
Monjisola, 140 x110 cm, 2018
Si vous souhaitez contacter l'artiste ou obtenir de plus amples informations sur son oeuvre: 

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