We are from here est une initiative créée et soutenue par l’artiste sri-lankais Firi Rahman dans le quartier de Slave Island, quartier central de Colombo situé au sud du Fort de la ville. Le nom de Slave Island a été donné au quartier au cours de la période de colonisation britannique, en référence aux esclaves qui y furent détenus sous l’autorité portugaise. Slave Island est connue pour son mélange de cultures cinghalaises, musulmanes et tamoules, et abrite en particulier une grande partie de la communauté malaise du pays. Les religions pratiquées y sont l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme, le christianisme ainsi que plusieurs autres religions et croyances.
Depuis la fin de la guerre civile en 2009, le Sri Lanka est devenu une plateforme commerciale de choix, et le désir de l’actuel président Maithripala Sirisena de faire de Colombo le nouveau Singapour de l’Océan Indien a contribué à attirer l’attention des investisseurs et promoteurs internationaux. Aujourd’hui, de nombreux bâtiments historiques de Slave Island ont été démolis ou sont en passe de l'être en raison de ce développement. En dépit de leur valeur architecturale et historique, la plupart des immeubles ne sont pas correctement entretenus et sont devenus délabrés. Les habitants de certains des quartiers les plus vastes de Slave Island, comme Station Passage et Java Lane, ont été expulsés sous la pression de l’Urban Development Authority, ministère responsable de la planification et de la mise en œuvre du développement économique social et physique des zones de développement urbain.
Les alentours de la mosquée malaisienne
Les alentours de la mosquée malaisienne
Les alentours de la mosquée malaisienne
Les alentours de la mosquée malaisienne
Les alentours de la mosquée malaisienne
Les alentours de la mosquée malaisienne
C’est dans ce contexte que Firi Rahman crée en 2018 le projet We Are From Here. Avec plusieurs artistes sri-lankais comme Vicky Shahjahan, ils commencent par rassembler des anecdotes sur les bâtiments emblématiques du quartier, sur les habitants de certaines zones de Slave Island et documentent les lieux et personnes qui ont disparus du paysage urbain. Firi Rahman nous raconte : « Notre idée initiale était de réaliser une peinture murale gigantesque sur laquelle nous dessinerions les visages des personnalités emblématiques de notre quartier, comme les vendeurs de rue, les mécaniciens, les musiciens et les artistes. Nous voulions avoir un impact sur les habitants de Slave Island, ainsi que sur ceux qui visitent cet endroit. Finalement nous avons décidé de peindre plusieurs peintures murales, tout autour du quartier, pour que chacune d’entre elles ait un lien avec l’environnement dans lequel elle s’insère sans pour autant le perturber. »
Le projet offre actuellement à tout visiteur du quartier la possibilité d'interagir avec la communauté, de comprendre la dynamique de Slave Island et de rencontrer en personne les modèles des peintures. Il s’agit pour le groupe de We Are From Here de montrer l’importance de l’héritage de Slave Island, de raconter la richesse de son patrimoine et sa singularité de par le mélange des traditions des différentes ethnies qui s’y entremêlent. « Je veux donner aux gens le sentiment que cet endroit, son patrimoine et sa culture, ont de la valeur. Je raconte les histoires de la communauté pour que les gens se sentent fiers de leur place. Nous essayons d’encourager la nouvelle génération à prendre conscience de ce patrimoine pour qu’elle le garde en vie »
Portrait de Captain
Portrait de Captain
Devant les portraits de Fazil et Milan (de gauche à droite)
Devant les portraits de Fazil et Milan (de gauche à droite)
Portraits d'Ajay et de Mano (de gauche à droite)
Portraits d'Ajay et de Mano (de gauche à droite)
« J’ai rassemblé des photos de famille, des photos de mariages, des histoires de famille pour prouver que des gens ont vécu ici et pour récolter leurs histoires. Le phénomène de gentrification qui est en cours dans Slave Island fait beaucoup de tort aux populations locales. J’ai recensé la plupart des lieux emblématiques de mon quartier, et aujourd’hui beaucoup d’entre eux sont inaccessibles ou interdits au public. Je veux lutter contre ce processus qui nous retire notre patrimoine et nos coutumes, et montrer aux personnes extérieurs que ces bâtiments sont nos lieux de vie avant d’être des investissements potentiels »
Il s’agit aussi pour le groupe de briser la stigmatisation sociale qui s’est construite autour de Slave Island au fil des années. Firi Rahman coordonne des promenades artistiques à travers le quartier, auxquelles nous avons participé, pour casser la mauvaise réputation de cette zone. Nous avons commencé notre visite dans la maison de Firi, avant de nous diriger vers l’ancienne blanchisserie du quartier.
Nous découvrons par la suite le portrait d’un ancien garagiste de Slave Island, Captain, présent lors de notre visite. « Avant que les promoteurs ne détruisent cette région de Slave Island, Captain avait son propre garage et réparait les scooters des habitants du quartier. Lorsque les démolitions ont commencé, les personnes qui vivaient dans cette zone ont pu récupérer une nouvelle maison dans un autre quartier, ce qui n’a pas été le cas pour ceux qui possédaient des commerces ou des garages par exemple. Ces personnes ont reçu beaucoup de promesses quant au prêt de locaux dans lesquels ils pourraient continuer leur activité, mais jusqu’à aujourd'hui ils n’ont reçu aucune compensation et beaucoup d’entre eux se retrouvent à la rue. Il est important pour nous de raconter ce genre d’histoire pour que les gens prennent conscience de l’impact que le développement urbain peut avoir. Nous sommes actuellement en train de créer un site internet afin de récolter de l’argent pour aider ces personnes dans le besoin, et de manière générale toutes les personnes de notre communauté qui ont contribué à ce projet. L’idée est de créer un réseau de personnes qui puissent se soutenir et créer de nouvelles initiatives entre elles. »
Notre troisième arrêt se fait devant le portrait de Milan, vendeur de rue.
Après avoir rencontré Vicky, une artiste de rue qui fait aussi partie du projet, découvert l’histoire de Rifakath, qui jouait dans son enfance au rugby sur Galle Face Green ( jardin public situé le long de l'océan Indien, au coeur de Slave Island) avant de faire partie de l’équipe national du Sri Lanka, puis partagé le thé avec Thanuja, mère d’un militaire peint dans le carde du projet de We Are from Here, nous finissons notre visite autour de l’ancienne mosquée malaisienne, aujourd’hui bloquée par les échafaudages des chantiers de construction.
La prochaine étage de We Are From Here sera de rendre la communauté de Slave Island active au sein du projet, et de mettre en place un encadrement pour les jeunes du quartier afin qu’ils puissent eux aussi présenter le tour. Certains ont déjà manifesté leur enthousiasme pour rejoindre le projet, et témoignent d’un réel désir de valoriser leur culture et leur patrimoine.

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