La scène artistique contemporaine géorgienne se concentre principalement autour de Tbilissi, la capitale, qui réunie le plus grand nombre d’initiatives culturelles. L’art, et plus généralement la culture, ne sont pas les priorités du gouvernement qui travaille avant tout au le développement économique du pays. Preuve en est qu’il y a deux mois, en septembre 2017, le Ministère de la Culture et des Sports a fusionné avec le Ministère de l’Education.

La scène culturelle contemporaine n’est pas institutionnalisée et se développe autour d’initiatives privées, en grande partie celles d’artistes désireux de créer des espaces d’expression et d’exposition pour leur art. Il n’existe pour le moment aucun musée d’art contemporain en Géorgie, ce qui représente un réel manque pour le pays. Nous sommes allés à la rencontre des acteurs de la scène culturelle géorgienne afin de comprendre leurs buts et les actions qu’ils mènent aujourd’hui pour transformer la Géorgie en un centre culturelle mondiale. La liste que nous dresserons à travers ce travail n’est bien-sûr pas exhaustive et au vue du dynamisme du pays nous espérons qu’elle évoluera dans les prochains mois.
Le développement tardif de l'art moderne
Il faut savoir tout d’abord que l’art contemporain géorgien est très récent, tout comme la société géorgienne d’ailleurs. Les précurseurs de l’art moderne en Géorgie sont Iliaz Zdanevitch et son frère Kirill Zdanevitch. Ils font parti de l’école dite « de paris », qui regroupe de nombreux autres peintres comme Lado Gudiashvili David Kakabadze et Shalva Kikodze.  
 Lado Gudiashvili
Lado Gudiashvili
 Lado Gudiashvili
Lado Gudiashvili
David Kakabadze
David Kakabadze
Shalva Kikodze
Shalva Kikodze
Shalva Kikodze
Shalva Kikodze
Ensembles, ils fondent en 1912 avec les artistes géorgiens de leur génération le mouvement 41°, en référence à la latitude de Tbilissi. La capitale est à cette époque encore très imprégnée de son ancienne domination Russe et l’académisme russe domine dans la peinture.
Iliaz, Kirill et le peintre Mikhaïl Le Dentu sont les premiers à mettre en lumière le travail de l’artiste Niko Pirosmani et à le faire découvrir au monde lors de la première exposition futuriste de Moscou en 1919. Contrairement à l’académisme russe, Niko Pirosmani s’inspire des traditions occidentales de la Géorgie. Il travailla comme peintre dans les tavernes et établissement de la capitale et dépeignit la société géorgienne au travers de grandes fresques en référence aux fresques byzantines des ancêtres géorgiens. Il incarna lors de l’indépendance géorgienne (1917-1920) le génie national alors que le pays risquait d’être dissout dans l’union soviétique.
Fille avec un ballon
Fille avec un ballon
Lion
Lion
Fête avec organiste Barrel Datic
Fête avec organiste Barrel Datic
L'actrice Margarita (danseuse française)
L'actrice Margarita (danseuse française)
Le pêcheur
Le pêcheur
Par cette découverte, les frères Zdanevitch lancent les fondements de l’art moderne géorgien. Ils sont les fondateurs de l’avant-garde géorgien, très différent du modernisme français qui refusait les normes dictées par l’Académie et la peinture classique. L’avant-garde géorgien s’inspire des traditions géorgiennes et de son héritage historique, et les artistes de cette époque furent primordiaux pour la fondation d’une identité nationale. Ils créèrent des espaces artistiques révolutionnaires comme le Café Kimerion où les artistes et les activistes pouvaient revendiquer leurs nouvelles idées progressistes.
A la fin des années 1930, durant l’ère soviétique (1921-1991), le développement de l’art moderne en Géorgie est en suspens. De nouvelles lois établissent l’art comme un outil de l’idéologie soviétique, on assiste alors au début du Réalisme Soviétique.
En 1986, plusieurs artistes de l’Académie de Fine Arts de Tbilissi comme Mamuka Japharidze ou Niko Tsetskhladze fondent le mouvement 10th Floor en protestation contre l’essoufflement du modèle soviétique. Ils développent un art de résistance contre le système en place à travers leurs performances. A l’indépendance de la Géorgie (1991) qui fait suite à la chute de l’URSS, la scène artistique est en ébullition, les artistes ont pour la première fois le droit de s’exprimer et de composer à leur envie. Ils reflètent à travers leurs œuvres la vie, la société et les défis géorgiens. 
Aujourd’hui, les artistes géorgiens ne sont plus réellement dans cet élan activiste des années 90 et ils se montrent sous certains aspects détachés des problèmes sociaux de la Géorgie; leurs combats sont avant tout personnels. La « qualité de liberté » en Géorgie est toujours assez faible, ce qui influence beaucoup les artistes, soucieux de trouver une audience pour les entendre. La Géorgie a besoin d’une institution d’art contemporain forte et d’une société plus libre et ouverte d’esprit pour devenir un relais de l’art contemporain dans le monde.​​​​​​​
Malgré ces blocages, nous avons découvert en Géorgie un réel désir de la part d’une tranche de la population de développer l’art contemporain géorgien et de soutenir la jeune génération d’artistes.
Redynamiser les lieux culturels 
Pour palier ce manque d’instituts et de musées d’art contemporain (il existe à Tbilissi un MOMA, qui possède aussi ses antennes à Moscou. Il s’agit d’un musée privé construit et détenu par Zurab Tsereteli, présentant la collection privée de cet oligarque géorgien, en grande majorité ces propres créations), de nombreux commissaires d’expositions développent leurs expositions d’art contemporain au sein des musées nationaux et plus traditionnels. Nous sommes allés à la rencontre de Data Chigholashvili et Mariam Shergelashvili, curateurs au Musée de la soie de Tbilissi. 
Ce musée est situé dans l'historique Station de soie du Caucase, une ancienne coopération d’établissements destinée à la production de soie durant l’air soviétique. Il appartient toujours à l’Etat et il abrite, en plus de sa collection permanente sur l’histoire de la soie en Géorgie, de nombreuses expositions contemporaines et évènements d’art contemporain. Ce désir d'investir la scène artistique contemporaine est du ressort de Nino Kuprava, plus connue sous le nom de Chuka, actuelle directrice du musée et artiste textile. Nous découvrons lors de cette rencontre deux œuvres du festival Memory Threads: Museum and Neighborhood, organisé par le musée. Le Dinamo Soundscape est un projet sonore développé par Katharina Stadler, qui utilise des archives audio du stade pour le faire vivre lorsqu'il n' y a pas de match, et le Mulberry Slow Race, d’Onno Dirker et Elene Gabrichidze, est un parcours initiatique dans l’ancien quartier de la soie de Tbilissi.
Affiche
Affiche
Installation contemporaine en cours
Installation contemporaine en cours
Travaux Nino Kvrivishvili's lors de sa résidence pour son travail Art Intervention at the Museum
Travaux Nino Kvrivishvili's lors de sa résidence pour son travail Art Intervention at the Museum
Le musée n’est pas le seul à utiliser son espace pour y développer des initiatives contemporaines, c’est plutôt monnaie courant ici à Tbilissi. ​​​​​​​Nous avons eu la chance lors de notre séjour de visiter l'exposition de Nino Chubinishvili, alias Chubika, 5th Room, Correction of mistakes. Située au sein de la tour de l'Académie des Sciences de Tbilissi, aujourd'hui abandonnée, l'exposition retraçait les traumatisme de la société géorgienne et sa déformation suite au système bolchevique dans le yeux de Chubika. L'artiste nous raconte:

Chubika à propos de son exposition The Fift Room, Correction of Mistakes

Nous avons été impressionnés par ce désir de nombreux instituts culturels et d’acteurs de la scène artistique d’ouvrir les portes des musées pour y investir les lieux et y développer des expositions temporaires contemporaines. Il existe une réelle demande de la part de nombreux géorgiens de faire fleurir l’art contemporain en Géorgie. Les premiers à avoir insufflé cette dynamique sont les artistes eux-mêmes.
Les artistes, premiers acteurs du dynamisme de la scène artistique
Nous vous présentions précédemment Wato Tsereteli, créateur du Centre d’Art Contemporain à Tbilissi et réel pionnier du renouveau artistique de Tbilissi.
Il n’est pas le seul artiste à avoir un impact réel sur la scène contemporaine, qui s’est dans un premier temps développée autour d’artistes notables désireux de créer des espaces d’expression. Karaman Kutateladze a fondé en 2000 la Art Villa Garikula, résidence d’artiste à une heure de Tbilissi qui organise chaque année le festival Fest I Nova. L’idée principale de Karaman était de créer un lieu de liberté pour les artistes, qui manquait tant en Géorgie. Il est un modèle pour beaucoup de jeunes artistes et une source d’inspiration permanente pour les curateurs actuels de la scène artistique géorgienne. Nous sommes tombés en admiration devant la façon d’être de cet artiste passionné qui a dévoué sa vie au service des autres.
Villa Garikula
Villa Garikula
oeuvre de Icy and Sot dans le Jardin
oeuvre de Icy and Sot dans le Jardin
Karaman et son oeuvre
Karaman et son oeuvre
Dans la même veine, Mamuka Japharidze, ancien membre du mouvement 10th Floor, s’est exilé loin de Tbilissi dans les hauteurs pour y créer la Cloud Library. Il y enseigne un programme éducatif en lien avec Creative Mediation de Wato Tsereteli, dans lequel les artistes seraient invités à repenser le lien entre l’art et l’agriculture. Il accueille chaque année des artistes en résidence et leur partage son amour pour la nature. Il a par exemple créé en 2017 avec l’aide de Natia Bukia du Project Artbeat      ( ci-après ) une exposition autour du lien entre art et agriculture.
La scène artistique contemporaine a été dans un premier temps le fruit des artistes contemporains eux-mêmes, et nous pourrions citer encore Nino Sekmiashvili, première artiste à avoir créé en 2013 une galerie physique au sein de Tbilissi, la Gallery Nectar... Ces initiatives ont toutes plus de 5 ans, et elles ont permis aux jeunes artistes géorgiens de trouver un relais d’expression pour leurs propos. Aujourd’hui, la société géorgienne est en réorientation, l’art devient progressivement un marché comme les autres et de nouveaux acteurs comme des groupes hôteliers ou des galeries lucratives l'investissent.
Vers une démocratisation de l'art ?
La scène artistique de Tbilissi devient progressivement mature et s’ouvre à l’international. En Mai 2017 se tenait la première foire d’art contemporain du pays, la Tbilissi Art Fair.  
L’art contemporain géorgien devient progressivement un milieu où les collectionneurs investissent, le pays se stabilise politiquement et une nouvelle génération d’acheteurs d’art géorgiens se constitue. Nous sommes allés à la rencontre de Natia Bukia, co-fondatrice de la galerie Project Artbeat. Avant de devenir une galerie fixe à Tbilissi, les deux fondatrices de Project Artbeat ont développé la Moving Gallery, un nouvel espace expérimental formé d’un conteneur d’expédition transformé en galerie pour être déplacé à travers la Géorgie de façon à promouvoir l’art sous un angle différent dans des lieux ou les musées et les galeries d’art ne sont pas présents et où l’accès à l’art est moins facile. 
Enfin, de nouveaux groupes privés s’engagent dans l’art contemporain, ce qui était faux il y a encore 2 ans. Le groupe hôtelier Adjara Group est un groupe hôtelier très puissant en Géorgie, qui possède les lieux huppés de la capitale à savoir Stamba, Rooms et Fabrika. Il est très impliqué dans l’art contemporain, au travers de financements et de résidences d’artistes qu’il accueille au quatrième étage de son hôtel Stamba. Adjara Group accueille par exemple le collectif Propaganda Network, collectif culturel qui aide et promeut des expositions contemporaines, comme celles de la Patara Galerie
Locaux des résidences de Propaganda Network
Locaux des résidences de Propaganda Network
Le pays avance et avec lui sa scène artistique contemporaine. Nous avons ressenti une réelle impulsion de la part d’une grande partie de la population pour développer le secteur de l’art contemporain géorgien, et ce malgré un manque de moyens criant. La Géorgie a besoin d’investissements et d’une plus grande ouverture d’esprit pour que l’art ne reste pas aux mains d'une poignée de personnes et qu' il s’adresse à l’ensemble de la population. De nombreuses initiatives vont dans ce sens, cependant nous pensons qu’elles nécessitent plus de coopérations et de liens pour établir un réel réseau d’art et devenir un point clé pour l’art contemporain mondial.​​​​​​​
Il est aujourd’hui question de créer un centre d’art contemporain au sein du « music theater » de la ville, bâtiment moderne de Fuksas qui n’a pour le moment jamais servit… L’information devrait être confirmée d’ici quelques semaines, et le projet développé par Karaman Kuteladze, Guela Tsuladze (fondateur du centre d'art contemporain de Batoumi qui perdura entre 2013 et 2016) et le directeur d’Adjara Group… restez aux aguets.
Karaman Kutateladze            -            Guela Tsuladze
Karaman Kutateladze - Guela Tsuladze
Studio Fuksas - Music Theatre and Exhibition Hall
Studio Fuksas - Music Theatre and Exhibition Hall
Studio Fuksas - Music Theatre and Exhibition Hall
Studio Fuksas - Music Theatre and Exhibition Hall

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